Éco-mobilité
« Le vélo avancera juste avant les élections »
Luc Nourigat est président de Vélocité (1), association qui compte une centaine d'adhérents, tous cyclistes convaincus. Il déplore l'immobilisme de la mairie de Montpellier en matière de développement du vélo.

l’Accroche : Le 17 mai 2004, un cycliste de 14 ans est mort avenue de Lodève. Un an après, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Luc Nourigat : Cet événement tragique est un peu symptomatique. Il faut rappeler que quelques jours avant, on a fait une manifestation sur place en disant : cet aménagement (2) ne nous va pas, il est accidentogène. On a sacrifié ou carrément oublié le cycliste. Depuis sa mise en place, on a eu de multiples incidents et des insultes de la part d’automobilistes impatients. Ils essaient de forcer le passage, quitte à nous jeter à terre. Un coup de rétroviseur suffit. Juste après l’accident, on a été reçu par la mairie qui nous a dit qu’ils allaient étudier le problème. On a revu brièvement les services techniques en juillet qui nous ont dit qu’ils avaient une proposition. Après les élus ont décidé qu’ils ne voulaient plus voir Vélocité.

Pourquoi ?
On a parlé d’Odysseum et de l’assassinat du centre ville. Ils ont pensé qu’on sortait un peu de nos attributions. C’est vrai que les cyclistes n’aiment pas trop les zones extérieures avec des ronds points, des 4 voies. On est plutôt attaché au centre ville. Ça a été fait sur un ton qui ne leur a pas plu.
Du coup, ils ont rompu avec Vélocité. Mais ce qu’on demande, ce n’est pas pour nous. Vélocité n’est pas une association de défense individuelle. Pendant ce temps, il y a des gens qui ne prennent pas le vélo ou qui se font insulter en vélo. C’est la responsabilité d’aménageur de la mairie qui est engagée et il ne s’agit pas de s’entendre avec telle ou telle
association.

Rien n’a donc été fait, avenue de Lodève depuis un an ?
Strictement rien n’a changé. On pourra le constater lors de la manifestation du 17 mai.

Alors quel est le bon aménagement ?
Il faut sacrifier quelque chose. Il n’y a pas 136 solutions. Ça doit rester une voie de circulation, il faut supprimer du stationnement, faire une piste montante et arriver à modérer la vitesse de circulation des véhicules.

Qu’en dit la mairie ?
Une vice-présidente et une ex-présidente de l’association ont rencontré, en mars, M. Pouget, adjoint au maire, pour présenter nos arguments. Elles ont essuyé un tir nourri, voire des propos peu agréables les 4/5e de la réunion. À la fin, il a dit : « Allez, on va voir ce qu’on peut faire et si vous voyez quelque chose, faites-en nous part. »

Un tir nourri, c’est à dire ?
Le personnage est comme ça.

Selon vous, pourquoi la mairie n’a rien fait ?
Avec cet aménagement, M. Pouget pense avoir amélioré la sécurité sur cet axe. Et pour eux, ça suffit.

Et ailleurs à Montpellier ?
Il y a une espèce de pensée unique d’aménagement de la ville. Par exemple pour un nouveau quartier. On pose les maisons, il y a les parkings et on pense à la circulation des voitures. Bien sûr, devant les maisons jusqu’au parking, il y a la circulation des piétons. Et après on essaye de caser les vélos. Ce n’est pas comme ça qu’on voit les choses. La ville a suivi la même évolution. Au fur et à mesure de l’urbanisation, on a élargi les rues, on a rétréci les trottoirs. Il faut repenser la ville, les circulations. La voiture doit être davantage périphérique et il faut donner la priorité au vélo.

Mais les textes de loi ne disent pas ça…
Non, le slogan c’est « priorité au vélo ». Et à chaque élection municipale ou autre, les élus le répètent à l’envie. Mais en fait, ce n’est pas parce qu’on fait un bout de piste cyclable sur un trottoir et qui va contourner trois poteaux pour revenir sur un rond point, qu’on a donné priorité au vélo. Si l’objectif politique c’est de réduire la circulation automobile au profit d’autres modes de circulation, il faut mettre les aménagements en adéquation avec cet objectif.

Malgré ça, on a l’impression que le nombre de cyclistes s’accroît à Montpellier ?
En pourcentage par rapport au nombre de déplacements qui grandit, il est en baisse. Mais en valeur absolue on a l’impression qu’il augmente, surtout dans le quartier universitaire. Le problème c’est que la mairie communique toujours vers les automobilistes qui sont déjà extrêmement sollicités. Quand on ouvre le journal de la ville ou de l’agglomération, on voit de magnifiques aménagements routiers, il y a toujours un beau plan ou une maquette du rond point qui va être fait à tel endroit. Les panneaux des travaux du tram s’adressent aussi aux automobilistes.

Il y a pourtant un schéma directeur pour le vélo…
Il y a un véritable souci de bien faire les choses de la part des services techniques. Ils ont essayé plusieurs approches. Ils ont de l’écoute la veille des élections. Après, le schéma directeur est un peu enterré. Il n’y a pas d’écoute, pas de suivi. C’est global, ce ne sont que des traits de stylo vert [repésentant les pistes cyclables, ndlr] sur la carte de Montpellier.

Et Mustapha Majdoul, l’élu Vert en charge de « l’éco-mobilité », vous le voyez ?
On l’a vu beaucoup les deux premières années d’exercice de ce conseil municipal mais on ne le voit plus. Il est plus ou moins fâché. On a écrit qu’il avait été inefficace et il l’a pris pour lui alors que ce n’est pas forcément de sa faute. C’est lié à la situation que je vous ai décrite.

Encore le schéma : « Élu fâché implique politique du vélo à l’arrêt » ?
Le vélo avancera dans la ville peut-être juste avant les élections municipales. Et puis on peut voir ce que deviennent les aménagements. Regardez la piste du Verdanson qui a valu un guidon d’or à la ville de Montpellier. Si on regarde la réalité aujourd’hui, cette piste est inutilisable, difficile à prendre et il y a du stationnement au milieu.

Et l’agglo ? Travaille t-elle sur le vélo ?
A la mairie, ce sont les services techniques qui sont puissants. L’agglomération, c’est une petite structure qui s’appuie sur les municipalités. Il y a la compétence globale au niveau des déplacements, on le voit avec le tramway. Mais pour le vélo, il n’y a aucune concertation. Par exemple à Saint-Jean-de-Védas, il y a beaucoup de pistes cyclables et il n’y a aucune liaison avec celles de Montpellier. Et apparemment c’est le problème de personne d’en faire. C’est dommage.

Et le département ?
Au département on a un très bon suivi au niveau des services techniques. On a des réunions trimestrielles dans lesquelles on discute sans conflit. Ce n’est pas comme en ville où il s’agit de donner moins de place aux voitures donc il faut arbitrer. On a plus d’espoir de réaliser des choses avec le département, notamment la mise à quatre voies du CD65 entre le carrefour de la Lyre et Clapiers. Certes, c’est une autoroute urbaine qui va amener plus de voitures en ville mais on pense que le vélo a des choses à gagner avec cet aménagement et qu’il est possible de faire des accès dans une nature un peu protégée notamment le long du Lez. Donc une très grosse liaison cyclable qui peut avoir un grand succès.

Et la Région ?
A ma connaissance non, même si elle a une compétence d’organisation des transports. Elle y travaille quand même indirectement. Par exemple dans tous les TER où on peut emporter son vélo, c’est un bon point.

Aujourd’hui, avec la mairie, vous en êtes où ?
Rien n’avançait et on avait envoyé une mise en demeure sur l’avenue de Lodève. S’il y a un accident, il faut qu’on puisse prouver que l’on avait averti la mairie. On a donc fait un rappel en annonçant la manifestation du 17 mai. Comme rien ne se passe, on est obligé d’avancer comme ça. Donc je pense que là, il va encore y avoir un nouveau coup de froid sur nos relations. Mais peu importe, on ne travaille pas pour nous et on se dit qu’il faut que la cause du vélo avance dans l’intérêt général.

Propos
recueillis le 30 avril 2005 par Jacques-Olivier Teyssier

(1) http://fubicy.org/montpellier
(2) Une bande de béton plantée d'hémisphères de quelques dizaines de centimètres de hauteur sépare deux voies de circulation étroite. Cet équipement empêche donc les voitures de dépasser les cyclistes avec une distance latérale suffisante.

Sur le même sujet voir aussi : La pente est raide et la route pas très droite

(texte publié dans le numéro 1 de l'Accroche paru le 20 mai 2005)

Publiée le 4 décembre 2005, mise à jour le 25 février 2006

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