Volem rien foutre al païs
« Peut-on vivre et travailler
autrement ? »
Stéphane Goxe est co-réalisateur avec Pierre
Carles et Christophe Coello du documentaire qui s’inscrit dans la continuité d’Attention
danger travail sorti en salle à l’automne 2003. Dans ce nouveau film, on
découvrira des gens qui ont décidé de « reprendre leur vie en main ».
Interview réalisée en décembre 2004 donc bien avant le montage définitif du
film.
Quels étaient vos objectifs
en réalisant ce film ?
Dans Attention danger travail, nous nous sommes intéressés à des
gens qui refusent d’aller travailler de la manière qu’on leur impose. Dans
Volem, il est question de personnes qui sont plutôt dans l’idée de dépasser
le travail c'est-à-dire de répondre à la question : « Peut-on vivre
et travailler autrement ? » Et de le mettre en pratique. C’est une tentative
de formuler ou de reformuler une critique radicale de la vie quotidienne
organisée essentiellement autour du temps de production et de la circulation de
la marchandise. Pas mal de gens n’adhèrent plus à cette logique, ou se posent
tout un tas de question. En effet, une logique qui consiste à travailler,
consommer et finir par crever ne réjouit pas forcément tout le monde.
Ne voulez-vous pas aussi inciter les gens à changer de vie ?
On ne veut pas tomber dans le panneau de l’exemplarité. Mais s’il n’y a
pas de modèle à suivre, je crois qu’il est assez important dans un climat de
résignation collective et de léthargie générale, de montrer qu’un certain nombre
de personnes s’organisent.
C'est-à-dire ?
Essayer de se réapproprier les moyens d’existence en dehors du marché du
travail tel qu’il est organisé, ou en dehors des minima sociaux qui sont là
comme des béquilles. Cela passe éventuellement - et c’est là qu’est l’essentiel
du film - par la quête de l’autonomie dans laquelle nous avons accompagné les
gens que nous avons filmés.
Avez-vous des exemples de cette quête d’autonomie ?
Nous avons rencontré des gens qui fonctionnent sur des lieux de vie
collectifs, qui mènent une réflexion autour de l’autonomie énergétique, d’une
certaine autosuffisance alimentaire, de l’intégration à des réseaux locaux, du
fonctionnement sur des circuits économiques courts, de la revalorisation de
l’entraide et de la solidarité collective. Quand on prétend se réapproprier ses
moyens d’existences dans un environnement économique particulièrement hostile,
on y arrive mieux à partir du moment où on s’organise collectivement et où on
arrive à développer des systèmes d’entraide. C’est une dimension assez
importante du film : revaloriser des valeurs comme l’entraide et la solidarité
collective. On ne peut pas dire que ce soit des valeurs dominantes aujourd’hui
où on parle plutôt de concurrence et de compétition.
Où avez-vous tourné ?
Il y a tout un tas d’initiatives, de groupes qui s’organisent dans les
Cévennes, par exemple. Des gens qui sont d’ailleurs assez éloignés de la logique
communautaire qui prévalaient dans les années 70. Ils parlent plutôt de
collectif ou d’association d’individus. Nous avons aussi tourné en Ariège, en
Bretagne, dans les Pays de Loire, dans les Alpes de hautes Provence. A
Barcelone, aussi.
Le Medef sera-t-il encore présent dans Volem ?
évidemment il y a, comme dans
Danger travail, certains aspects du discours dominant qu’on souhaite mettre
en évidence en essayant d’aller un peu au-delà. Dans Danger travail on
mettait en évidence un discours qui sacralisait, qui revalorisait le travail,
parfois de manière assez caricaturale. On ne ré-insistera pas là dessus dans
Volem rien foutre al Païs mais on verra dans quelle mesure le discours
dominant là aussi, est en parfaite opposition avec la logique des gens qu’on est
allé filmer. La logique dominante fait en sorte que notre autonomie soit chaque
jour moindre. C’est la multiplication des contraintes et des dépendances, c’est
la dépossession de nos choix de vie, de nos capacités de décider.
Comment cela se traduit-il dans votre film ?
Ce sont des formes de déresponsabilisation qui sont diamétralement
opposées avec la volonté des gens qu’on a filmés, de reprendre leur vie en main.
Ceux qu’on est allé voir n’attendent pas un changement global de société pour
vivre les choses d’une autre façon. On est allé voir une scierie en Limousin qui
fonctionne sur une logique assez renversante où il y a certains principes
économiques qui sont retournés où on n’hésite pas à dire non à l’expansion à
tout prix mais au contraire où on essaye de dimensionner l’activité d’une
entreprise aux besoins qu’un groupe a pu définir.
Vous avez aussi intégré des extraits des débats qui ont suivi les projections d’Attention
danger travail…
C’est un axe qui nous tient à cœur. Quand on a sorti Danger travail en
salle on souhaitait contribuer au débat qui avait déserté l’espace publique
depuis une trentaine d’années sur la critique du travail aliéné et du salariat.
Dans les salles, ça a provoqué des réactions positives ou négatives parfois
virulentes. On a eu le sentiment de toucher là à quelque chose de crucial. Il
nous a paru intéressant de filmer ces débats parce qu’aussi on a vraiment eu le
sentiment par moment qu’il y avait une espèce de parole, de réflexion collective
à l’action et qu’il y avait une dynamique.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous sommes dans la première phase du montage à Marseille. On ne
travaille pas à un rythme industriel. Sur un objet que l’on façonne on ne
compte pas se soumettre à un impératif de productivité. La sortie est prévue à
l’été ou à l’automne 2005.
Recueillis par Jacques-Olivier Teyssier
Sorti au Diagonal Capitole à Montpellier le 28 février 2007. Plus d'infos sur www.rienfoutre.org
Interview publiée dans L'Hérault du jour du 16 décembre 2004.
Publiée le 19 février 2007