Portrait : Philippe Saurel
En attendant l'assemblée nationale
Présent dans trois assemblées politiques locales, le dentiste est devenu en quelques années le patron de l'urbanisme à la mairie. Montpelliérain pur et dur, l’ambitieux se verrait bien député et pourquoi pas un jour, maire de la ville.
« On sent derrière toutes ses activités une
ambition dévorante ». Cette position, Catherine Labrousse, la conseillère
municipale d’opposition UDF, la partage avec beaucoup d’observateurs et
d’acteurs de la vie politique locale. Un des objectifs de Philippe Saurel : les
législatives. L’élu en parle régulièrement et pense à la quatrième
circonscription, celle du nord de Montpellier et de Lunel. Pour ne pas se
“griller” trop rapidement, il dit souvent : « Je ne sais pas. On verra ».
Autre ambition, beaucoup plus dissimulée car beaucoup plus périlleuse politiquement : les municipales. Philippe Saurel cultive le secret autour de ce que Georges Frêche appelle « la mère des batailles ». Parce que la candidature de l'actuelle maire Hélène Mandroux est assez inévitable pour 2008, Philippe Saurel a deux possibilités s'il décide de se lancer : soit se présenter carrément contre elle, ce qui est peu probable, soit attendre 2014, voir 2020…
Racines à Boutonnet
A 47 ans, Philippe Saurel est marié et père de deux enfants. Sa formation initiale : chirurgien-dentiste, une profession qu’il exerce toujours dans son cabinet d’Antigone. C’est à Boutonnet que se trouvent ses racines. Sa famille y est implantée depuis des décennies et les mamies le tutoient toujours. Même, au fil des années, le petit garçon est devenu un homme et l’homme, un sacré cumulard.
Adjoint au maire en charge de l’urbanisme, vice-président de la commission “Projet urbain et politique de la ville”, délégué au quartier Hôpitaux-facultés et aux calendretas (ces écoles à l’enseignement franco-occitan), il est aussi membre de plusieurs conseils d’administration, dont celui de la SERM (Société d’équipement de la région montpelliéraine). Deux autres assemblées politiques accueillent Philippe Saurel : le conseil d’agglomération et le conseil général, où il est élu du troisième canton depuis 1998. Dans ce cadre départemental, il est aussi membre de trois commissions et délégué à la “lecture publique, histoire et culture régionales, archives départementales”. La liste est loin d’être complète : son activité politique est énorme.
Ses premiers pas politiques se font en 1994 quand Philippe Saurel rentre au parti socialiste. Politiquement, « il considère avoir fait un bon placement » pour l’avenir, décrit un frère franc-maçon qui tient à rester anonyme. Gros joueur de poker pendant ses études, l’apparence sportive et une gueule de gendre idéal, il se rapproche de Georges Frêche dans des conditions plutôt floues. En 1995, il fait ses premiers pas d’élu frêchiste au sein du conseil municipal, puis il prend du grade en 2001. Il sera en charge des affaires sociales pendant quatre ans. Depuis six mois, sa responsabilité est encore plus lourde : le voilà adjoint à l’urbanisme.
« Le sens du compromis »
C’est un homme « ouvert, courtois, intelligent, charmant et sensible aux préoccupations de la population, décrit son adversaire des élections cantonales de 2001, la conseillère municipale verte Nicole Moschetti-Stamm. Il écoute volontiers ce qu’on lui suggère. Quand les Verts sont arrivés au conseil municipal en 2001, le mot d’ordre des socialistes était “haro sur les verts”. Lui a fait partie des quelques-uns venus vers nous de manière sympathique. »
Jean-Louis Roumégas, le patron des Verts à la mairie, ajoute : « C’est quelqu’un de discret. Il essaye de s’entendre avec tout le monde. Il a le sens du compromis. » Pourtant, « dès que les événements entraînent des conflits, il n’est plus sur la première place », regrette anonymement un adhérant de Bout’Entrain, l’association du quartier Boutonnet. Face aux problèmes de circulation et de stationnement, où habitants et commerçants s’opposent (voir l’Accroche n°2), il accepte un rendez-vous en juin dernier. « Il nous a entendus et nous a dit : “Dans quinze jours, je vous donnerai une réponse”. Aujourd’hui, nous attendons toujours. »
Malin, Philippe Saurel sait « adapter son comportement face à quelqu’un, décrit le franc-maçon anonyme. Il se branche sur le canal de son interlocuteur. »
Franc-maçonnerie
Ses activités politiques et professionnelles ne lui suffisent pas. L’homme cultive aussi les réseaux montpelliérains. En première ligne : la franc-maçonnerie dont le but est le perfectionnement intellectuel et moral de ses membres et de l'Humanité. Aujourd’hui, Philippe Saurel est le Vénérable Maître (le président, ndlr) de sa loge. Elle compterait entre 40 et 50 personnes.
« Il y a des politiques qui sont francs-maçons, parce que ça leur offre des relations, résume le journaliste Jacques Molénat, auteur de Le marigot des pouvoirs ; systèmes, réseaux, communautés, notables et francs-maçons en Languedoc-Roussillon. (1) Je crois que Saurel, lui, s’inscrit dans une recherche d’adhésion très profonde à la philosophie maçonnique. » En 2003, il publie La triple alliance (1748-1788), une loge maçonnique à Montpellier au temps des Lumières. (2) Gérard Cholvy, qui supervise ses travaux universitaires commente : « Il travaille sur le sujet depuis quinze ans et veut déposer un sujet de thèse d’ici fin 2006. C’est un historien sérieux. »
Mais l’amour de l’histoire locale n’empêche pas l’utilisation politique. C’est Philippe Saurel qui a initié Michel Guibal, son prédécesseur à l’urbanisme, au sein de sa loge.
Autre attache très forte dans la vie du Clapas : les barons de Caravètes. Cette association compte 600 natifs de la ville et commémore les notables qui avaient obtenu en 1204 que Montpellier soit dirigée librement par 12 consuls locaux. « Philippe Saurel est rentré chez nous en 1994, se souvient Roger Bec, le bayle (le directeur administratif, ndlr) et il est élu premier consul (président de l’association, ndlr) chaque année depuis 1999. Il nous a apporté culture et relations. S’il n’était plus là, il nous manquerait. »
Autre association proche : les danseurs et musiciens folkloriques de La Garriga. Devinez qui est le président d’honneur ? « Très ringardes et très gadgets » pour Nicole Moschetti-Stamm, ces activités lui permettent, selon Catherine Labrousse, « d’entretenir ses réseaux jusqu’à ce qu’il voie ce qui peut servir ou ne pas servir ».
Déficit d’image
Homme de convictions ou non, Philippe Saurel est en tous cas maintenant en charge de l’urbanisme. Un poste capital dans une ville comme Montpellier qui a vu l’arrivée de 20 000 nouveaux habitants en à peine… cinq ans ! Même six mois après sa nomination, Philippe Saurel doit apprendre et il n’hésite pas à consulter ses deux prédécesseurs : Raymond Dugrand, le dessinateur entre 1977 et 2001 du visage moderne de Montpellier, et Michel Guibal, qui a lancé le PLU (le plan local d’urbanisme) dont le but est d’imaginer dès aujourd’hui la ville de demain.
« L’urbanisme est un acte social » (3), affirme le dentiste qui possède encore une vision de l’urbanisme assez peu définie. Son travail, il le voit différemment de ses prédécesseurs : « Davantage dans un travail de proximité : donner vie aux nouveaux quartiers [et] aux espaces remaniés par le renouvellement urbain ; [mais aussi] maintenir la vie dans les quartiers patrimoniaux et historiques, les faubourgs, où une diversité est déjà là ». (4) Pour l’instant, l’urbaniste Saurel n’a encore rien montré. C’est dans les mois qui viennent qu’il sera jugé. Pour la suite, « beaucoup prétendent qu’il revendique la mairie, commente Nicole Moschetti-Stamm. On lui prête des ambitions, mais j’ai l’impression que c’est pour le plomber. »
En tous cas, Philippe Saurel cumule assez de handicaps politiques pour se plomber tout seul. Sur le plan des idées, c’est un homme trop consensuel pour être vraiment écouté. Ensuite, malgré ses réseaux, il ne compte pas de vrais amis politiques prêts à l’aider. Catherine Labrousse, qui l’avait affronté pendant les élections sur le troisième canton en 2001, lui reconnaît tout de même « une cinquantaine de militants très actifs ». Et puis, « il manque de charisme et d’épaisseur, ajoute Christian Dumont. C’est le contraire d’une grande gueule. » Sans oublier, enfin, le déficit d’image dont il souffre. Visiblement, tendre discrètement le cou vers les objectifs, pendant les cérémonies officielles, ne suffit pas.
Alors qu’il devienne député, voire maire ou que politiquement, il n’aille pas plus loin, Philippe Saurel continuera à travailler selon une méthode électoraliste complètement inspirée de Georges Frêche : le quadrillage des quartiers. Le frère franc-maçon résume : « Le clientélisme ? Philippe Saurel a parfaitement compris comment ça fonctionne. »
Sébastien Nègre
(1) Éditions Climats, février 2004, 180 pages, 16 €
(2) Extrait de Mentalités et croyances contemporaines, mélange offert au
professeur d’histoire contemporaine Gérard Cholvy, université Paul Valéry
(3) L’Agglo-Rieuse, 23 février 2005
(4) Revue Urbanisme, septembre 2005
Information et communication
Nous avons contacté Philippe Saurel pour affiner ce portrait. Initialement
d’accord sur le principe d’un entretien, l’élu s’est rétracté. Explication du
service de presse de la mairie : « Avis défavorable du cabinet du maire ».
Pourquoi un tel avis ? Malgré nos nombreuses relances, nous n’avons pas obtenu
de réponse à cette question.
(texte publié dans le numéro 3 de l'Accroche paru le 19 septembre 2005)
Publié le 25 février 2005