Un entretien avec Nicole Moschetti-Stamm
« C’était la grande ville qui imposait sa loi »
La présidente déléguée de la commission traitement des déchets ménagers de l’agglomération de Montpellier revient sur le dossier sensible du choix d’un centre de stockage des déchets ultimes (CSDU) et dénonce les méthodes de l’Agglo.

En conseil d’Agglo du 31 janvier, vous avez déclaré être en désaccord avec la façon dont le dossier du choix d’un CSDU a été mené. Pourquoi ?
Jusqu’en 2003, dans le cadre de ma délégation, j’ai eu quartier libre et on a pu travailler avec les services de l’Agglo et les élus. Là où les choses se sont gâtées c’est quand il a fallu aboutir sur les études de recherche d’un CSDU. Dès le début de mandat, j’ai mis en place un comité de pilotage avec tous les acteurs qui s’intéressaient au traitement des déchets. On a sélectionné un bureau d’étude incontestable (Antea) qui,  après une étude, a proposé trois sites : Grabels, Castries et Murviel-les-Montpellier. En conseil d’Agglo en novembre 2002, nous devions choisir la filière de traitement des déchets et le site. La filière méthanisation est passée mais sur le choix du site, Frêche a reculé. Déjà, quelques jours avant, il avait dit au maire de Grabels qu’on retirait Grabels alors que c’était un site déjà dégradé qui servait à stocker des déchets de chantier.
Savez-vous comment cette décision a été prise ?  
Non. Ça a été décidé en bureau d’Agglo sans nous consulter. Il nous restait donc Murviel, mais il y avait la traversée de villages, des maisons à 500 m, des vignes, un site archéologique. Et puis Castries qui était pour nous tous, le site idéal. Mais on nous a sorti une étude que je n’ai encore pas vue et qui disait que le site de Castries était inondable. En contre partie on nous a accordé un deuxième site.  On est donc reparti avec Antea sur une deuxième étude.
Quelles ont été les conclusions de cette étude ?
En avril 2003, Antea nous a proposé 30 sites, quasiment tous dans l’Agglo avec une priorité donnée à 4 sites : Clapiers, Grabels, Saint-Géniès-des-Mourgues et Teyran. Quand cette étude est sortie, j’ai demandé qu’on réunisse le comité de pilotage mais il y a eu un refus du cabinet de l’Agglo. C’était une période politique assez chaude puisque des communes (dont Teyran) avaient demandé à quitter l’Agglo. Alors Frêche a joué la tactique et nous a dit : « 
Ce sera Teyran et on retire les 3 autres ». Il pensait qu’en mettant Teyran en avant, le Préfet ne pourrait pas la retirer de l’Agglo. Mais le Préfet nous a envoyé un courrier nous disant : «  OK pour Teyran mais ce n’est pas suffisant. » A ce moment là, j’ai demandé à ce qu’on réunisse le comité de pilotage. On ne l’a pas réuni et on ne l’a jamais plus réuni. Le cabinet m’a dit : « Il n’existe plus. » Puis je me suis fait entendre dire par des maires : « De toute façon vous êtes arrivé à un échec, alors on change la méthode. Aujourd’hui au moins c’est transparent. » Je leur ai dit : « Pourquoi c’est transparent ? Aujourd’hui on ne sait plus ce qui se passe. » On m’a répondu : « Oh mais c’est transparent entre Georges et nous. » Pour moi ça voulait dire les petits arrangements entre amis plutôt que l’intérêt général, la transparence et une étude basée sur des critères incontestables.
Ce sont différents maires de l’Agglo qui vous ont dit ça ?
C’est un maire.
Lequel ?
Je ne le citerai pas.
Et donc on arrive en septembre 2004…
J’ai découvert le 23 septembre, par une note faisant état d’une décision du bureau d’Agglo, le choix des cinq sites pour répondre à la demande du préfet d’un site supplémentaire. Il s’agissait de Teyran, Castries, Saturargues, Guzargues et Fabrègues. On m’a dit qu’il y a une étude d’Antea pour justifier ce choix mais à ce jour, je ne l’ai pas vue. On m’a juste sorti une étude qui date de décembre 2002.
Puis Saturargues a été abandonné…
Et je l’apprends dans la presse. Quant aux arguments pour abandonner ce site, je n’en ai pas eu connaissance à ce jour. On me dit : « C’est la préfecture. » Mais j’appelle la préfecture où on me dit : « Non, ce n’est pas nous. »
Vous avez une idée de la raison de cet abandon ?
Aucune. Ce que je vois c’est que l’étau se resserre autour de Guzargues. C’est vrai que je veux qu’on trouve un site mais je ne peux pas accepter cette façon de faire. Il y a 20 sites équivalents sur l’Agglo. C’est prendre en tenaille une petite commune de 350 habitants avec un CSDU d’un côté (parce que la carrière située sur la commune de Castries est situé à 500m de Guzargues et à 4km de Castries) et un autre de l’autre côté, situé à Guzargues. Je trouvais ça vraiment immoral. C’était vraiment la grande ville qui imposait sa loi. Et puis c’est un endroit magnifique.
Les Verts envisagent-ils de faire comme pour la méthanisation c’est à dire  mettre leur départ de la majorité dans la balance ?
On n’en est pas là. Mais les choses ont changé depuis que Frêche n’est plus là. On a du mal à avoir un interlocuteur. Quand il y avait des périodes de crises, il avait l’intelligence politique de trancher. Aujourd’hui je ne sais plus à quel saint me vouer. Alors je vais voir le cabinet qui me dit qu’il faut aller jusqu’au bout de la démarche.
Et les Verts disent pareil ?
Je ne sais pas. On va en parler. En tout cas, ils ont tous été solidaires avec moi en disant qu’on ne peut pas accepter ça.
Vous dites beaucoup apprécier Jean-Pierre Moure et regretter Georges Frêche, pourtant vous n’êtes pas satisfaite du fonctionnement actuel de l’Agglo. N’est-ce pas un peu paradoxal ?
Je pense qu’il y a une instrumentalisation des institutions par le parti socialiste. Il suffit de voir comment ça fonctionne à la mairie de Montpellier. Ils ont quadrillé le territoire. Par les comités de quartiers, les maisons pour tous, le logement avec ACM, les emplois.
Et l’avenir du traitement des déchets alors ?
Je pense que la clé de la méthanisation c’est le tri sélectif or aujourd’hui on ne me donne pas les moyens de l’améliorer. On me dit :  « On a des gros frais avec le tramway, l’état se désengage, Raffarin, Chirac,… » Mais on n’a que deux ans devant nous et on doit faire des énormes progrès de tri.
Comment faire ?
Il y a environ 2,8 M de budget de communication. J’attends de voir mais on ne m’a jamais consultée sur la communication. J’ai découvert des encarts entiers dans Midi Libre et dans La Gazette sur le tri qui disaient « nous sommes des bons trieurs, etc. »,  mais qui n’amènent rien sur le plan de la sensibilisation. J’ai aussi demandé à faire une réunion sur la méthanisation avec toutes les associations qui sont en train de dire que ça va exploser à Garosud. On m’a répondu : « Non il ne faut pas en parler, ça va faire des histoires. » C’est le culte du secret. Mais c’est quoi ça ? Alors que les gens ne demandent qu’à être informés. Je suis désolé de voir qu’il n’y a pas de volonté politique d’aboutir.

Propos
recueillis le 8 février 2005 par Jacques-Olivier Teyssier

Erratum (6 avril 2005)
Nicole Moschetti-Stamm vient de nous signaler deux erreurs dans son interview. La note du bureau d’agglo donnant les 5 sites ne date pas du 23 septembre 2004 mais du 23 juin 2004. Par ailleurs, le budget communication de l’agglomération affecté aux déchets est de 280 000 € et non de 2,8 M€. Nous prions nos lecteurs de nous excuser pour ces erreurs.

Sur le même sujet voir aussi : Un choix politique si peu transparent

Publiée le 27 février 2005, modifiée le 6 avril 2005, mis à jour le 23 février 2006

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