Quai du Verdanson

Les anti-pubs répondent à Leclerc

Les militants n’ont pas apprécié la récupération d’images et de slogans de mai 68 par l’entreprise de grande distribution. La réponse de la quinzaine de personnes présentes samedi à Montpellier : détourner le détournement.


    De
la pub pour les CRS ? Pour Leclerc ? L’affiche des anti-pubs représente un policier, matraque levée, avec un bouclier marqué du logo Leclerc. Mais les slogans qui accompagnent le dessin lèvent toute ambiguïté : « Emprunte, consomme, pollue, obéis » et « E. Leclerc, numéro 1 sur les marges arrières ». L’objectif de la quinzaine de militants qui ont en partie recouvert samedi trois panneaux publicitaires 4 par 3 du quai du Verdanson à Montpellier, deux colonnes Morris et quelques « sucettes » (panneaux verticaux d’environ 3 mètres de haut sur 1 mètre de large), est clair : répondre sur le même registre en modifiant ce qui a été modifié.

    Il s’agit en fait de riposter à ce que Leclerc qualifie de « campagne de sensibilisation ». Conçue par l’agence de publicité Australie pour l’entreprise de la grande distribution, l’opération détourne images et slogans de mai 68. Entre autres, on peut ainsi lire sur les affiches: « Il est interdit d’interdire de vendre moins cher. » Ou encore : « La hausse des prix oppresse votre pouvoir d’achat. » Quant au bouclier du célèbre CRS, il est transformé en code barre.

« Ni pub ni soumis(e) »

    Pour livrer bataille contre cette campagne qui date déjà de quelques semaines, les militants sont venus armés : quelques affiches (un assemblage de feuilles A3), trois ou quatre rouleaux de scotch, une bombe de peinture, un marqueur et un peu de ficelle. Lorsqu'ils ont affaire à un panneau mécanisé, avec plusieurs affiches qui défilent, les militants en profitent pour couper l’alimentation. Une simple clé à pipe ou une pince suffit pour accéder au disjoncteur. L'éclairage est bien sûr coupé mais cela ne suffit pas. La manœuvre d’arrêt doit être précise. Il faut choisir le moment où le mécanisme se met à tourner de façon à l’arrêter entre deux affiches. Avec un peu de réussite, on peut ainsi arriver à obtenir une affiche bien gondolée et un panneau totalement illisible.

    Au-delà de la lutte contre Leclerc, des slogans plus habituels apparaissent. « Cons sommes pas », est-il écrit sur une affiche bricolée qui recouvre entièrement une des 6 ou 7 sucettes prises pour cibles. « Il ne faut pas de s à ‘consomme’ » fait remarquer une militante à l’auteur du slogan. « Mais non, répond celui-ci, c’est : ‘nous ne sommes pas cons’. » Cinq ou six seront ainsi recouvertes. En bas du boulevard Henri IV, on peut aussi lire : « Ni pub ni soumis(e) », « la pub m’a tué » ou encore « la marchandise n’est pas notre monde ».

Un ancien salarié de chez Decaux

    Un des organisateurs de l’opération explique : « La croissance marchande pour la croissance marchande n’engendre que pollution et précarité », avant d’ajouter : « La croissance n’est pas la solution, c’est le problème. » Plus tard, il montre un panneau lumineux et lance : « Je ne vois pas pourquoi on subit ça. » Puis de s’indigner : «  Ils coupent l’électricité aux pauvres et ils éclairent ces panneaux. » Les militants sont aussi opposés au projet de constitution européenne et ils en profitent pour faire passer leur message (1). Une sorte de mutualisation des luttes. La  colonne Morris près de l’avenue de Nîmes sert de support au message : « Pas de place pour moi dans leur Europe. Je vote non. »

    Alors que l’action touche à sa fin, un passant vient voir les recouvreurs-barbouilleurs. C’est un ancien salarié de chez Decaux, l’entreprise propriétaire des panneaux.  « Si vous voulez vraiment leur faire mal, il faut faire ça le mercredi matin. Les affiches sont changées entre 2 heures et 6 heures du mat », explique t-il à des militants visiblement très intéressés. Car il faut savoir que si l’affiche est recouverte, Decaux doit rembourser l’annonceur.


Jacques-Olivier Teyssier

 

(1) Une autre méthode est décrite ici

Plus d'informations sur les anti-pubs et sur le groupe décroissance : http://zecc.free.fr

 

N.B. : Un autre dessin est caché sur cette page, le trouverez-vous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié le 20 mars 2005, modifié le 21 mars 2005

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